L’expropriation pour cause d’utilité publique

Comment défendre vos droits face à une expropriation pour cause d’utilité publique ?

L’expropriation pour cause d’utilité publique est une procédure juridique complexe, que ce soit en ce qui concerne la réalisation d’un projet d’infrastructure ou à des fins d’utilité publique.

Sommaire

La phase administrative de l'expropriation pour cause d'utilité publique

La procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique s'articule autour de plusieurs étapes clés :

  • Elle commence par la phase administrative qui comprend une phase d’enquête publique, une enquête parcellaire, un arrêté de cessibilité menant à la prise d’une déclaration d'utilité publique (DUP),
  • et se termine par une phase judiciaire.
La phase administrative de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Déclaration d'utilité publique (DUP)

En matière d’expropriation, une enquête publique doit être menée afin d’obtenir une déclaration d’utilité publique.

L’ouverture de l’enquête publique

L'enquête publique vise à garantir la transparence et à recueillir les observations du public sur le projet d'expropriation selon les dispositions de l'article L. 123-1 du Code de l'environnement.

  • Cette enquête doit être menée sous la supervision d’un commissaire enquêteur désigné par le préfet.
  • Les propriétaires des biens concernés et le public sont informés de l’enquête par voie d’affichage et de publications dans la presse locale.
  • Pendant l’enquête, le dossier complet du projet est mis à disposition du public, qui peut formuler des observations.
  • Le commissaire enquêteur rédige ensuite un rapport sur les conclusions de l’enquête, qui est déterminant pour la décision finale de la DUP.

Le prononcé de la déclaration d'utilité publique (DUP)

La déclaration d’utilité publique (DUP) est l’acte administratif qui constate l’utilité publique d’un projet et permet ainsi son expropriation. Cette déclaration, prononcée par arrêté préfectoral ou par décret, est une étape essentielle car elle justifie juridiquement l’expropriation.

La DUP est fondée sur l'article L. 511-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui dispose que l'utilité publique doit être avérée pour justifier l'expropriation des biens immobiliers concernés. Une fois la DUP prononcée, elle doit être publiée et affichée pour informer les propriétaires et le public.

La prise d’un arrêté de cessibilité

Une fois la déclaration d’utilité publique obtenue, une enquête parcellaire est menée permettant la prise d’un arrêté de cessibilité.

Enquête parcellaire

L’enquête parcellaire  permet de préciser les biens immobiliers à exproprier et leurs propriétaires.

Conformément aux dispositions de l’article L. 131-1 du Code de l'expropriation, cette enquête est menée par un commissaire enquêteur désigné par le préfet et qui peut être le même que celui désigné pendant l’enquête de la déclaration d’utilité publique, et consiste à dresser un plan détaillé des parcelles concernées.

Il est possible que les enquêtes soient menées en même temps, de même qu’il est possible d’obtenir une prorogation de l’enquête avec l’accord de l’expropriant. Les propriétaires sont informés par lettre recommandée et peuvent formuler des observations. A l’expiration du délai d’enquête, les registres sont clos et signés par le Maire et sont transmis dans les 24 heures avec le dossier d’enquête au commissaire enquêteur. Le commissaire enquêteur doit émettre un avis qu’il transmet au préfet qui prend un arrêté de cessibilité, officialisant les biens à exproprier.

Arrêté de cessibilité

Cet arrêté de cessibilité permet de déclarer cessibles les propriétés ou parties de propriété dont la cession est nécessaire à la validation de l’opération projetée. Il désigne l’ensemble des parcelles expropriées et fixe sans ambiguïté la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale de la parcelle expropriée. Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs et notifié au propriétaire du bien concerné par l’expropriation par lettre recommandé, dans les six mois de la date à laquelle il a été pris, ouvrant la voie à la phase judiciaire de l’expropriation.

Phase judiciaire de l'expropriation pour cause d'utilité publique

L’expropriation pour cause d’utilité publique a pour objet le transfert de propriété par le biais d’une ordonnance d’expropriation et l’indemnisation des propriétaires expropriés

La phase judiciaire de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Transfert de propriété et ordonnance d'expropriation

Le transfert de propriété dans le cadre d’une expropriation pour cause d’utilité publique peut se faire par accord amiable entre la personne publique et la personne expropriée. En l’absence d’accord, la personne publique peut saisir le juge qui prononce une ordonnance d’expropriation. 

Cette ordonnance, fondée sur l'article L. 231-2 du Code de l'expropriation, transfère la propriété des biens expropriés à l'autorité expropriante et permet à cette dernière d'en prendre possession immédiatement en emportant ses accessoires (usufruit, servitudes…).

À ce stade, l’exproprié ne peut donc plus vendre, ni faire de donation, ni constituer de droits réels sur le bien. Le bail signé par un locataire occupant prend également fin. En revanche, tant qu’il n’a pas été indemnisé par la personne publique, l’exproprié conserve la jouissance du bien. Les propriétaires reçoivent notification de l’ordonnance et peuvent continuer à occuper les lieux jusqu’à leur indemnisation.

Indemnisation des propriétaires expropriés

L'indemnisation des propriétaires faisant l’objet d’une mesure d’expropriation doivent être recevoir une juste et préalable réparation selon une évaluation judiciaire.

Principe de l'indemnisation

La personne publique doit proposer une offre d’indemnisation à l’exproprié. Cette offre doit être faite par lettre recommandée avec avis de réception ou acte d’huissier. A partir de ce courrier, l’exproprié dispose d’un mois pour faire connaître à la personne publique, par lettre recommandée avec avis de réception, son acception ou le montant détaillé de sa demande.

Dans l’arrêté de cessibilité, l’exproprié peut également mettre en demeure l’expropriant de lui adresser une offre d’indemnisation. Sans réponse dans le délai d’un mois, il peut saisir le juge de l’expropriation.

En l’absence d’accord amiable, le juge de l’expropriation doit être saisi par l’une ou l’autre des parties pour qu’il fixe un dédommagement..

Notion d'indemnité juste et préalable

L’indemnité qui est versée aux propriétaires expropriés doit être juste et préalable, comme en dispose l’article L. 321-1 du Code de l'expropriation.

Cela signifie que le paiement de l’indemnité doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation. Ce principe vise à replacer le propriétaire dans une situation équivalente à celle qu’il aurait connue en l’absence d’expropriation. Cette réparation comprend non seulement la valeur vénale du bien exproprié, mais aussi les préjudices indirects liés à l’expropriation.

Évaluation des préjudices directs et indirects et fixation de l'indemnité par le juge

L’évaluation des préjudices directs inclut la valeur marchande du bien, déterminée en fonction de critères objectifs tels que :

  • les prix du marché immobilier local,
  • l’état du bien,
  • et ses caractéristiques spécifiques.

Les préjudices indirects doivent également être pris compte, tels que : 

  • la perte de revenus locatifs
  • ou les frais de déménagement.

Les propriétaires peuvent fournir des expertises indépendantes pour justifier leurs demandes d’indemnisation.

La fixation de l’indemnité relève du juge de l’expropriation, qui intervient en cas de désaccord entre les parties. 

Conformément aux dispositions des articles L. 322-1 et suivants du Code de l'expropriation, le juge évalue le dédommagement en se basant sur les éléments fournis par les parties et les conclusions des expertises réalisées. Les décisions de justice en matière d’indemnisation peuvent faire l’objet d’appels, garantissant ainsi une double lecture des dossiers complexes.

Cas particuliers d'indemnisation

Des cas de dédommagements peuvent avoir lieu au titre de situations particulières comme tels peuvent être le cas en cas d’insalubrité ou d’urgence mais aussi au titre de personnes titulaires de droits

Immeubles insalubres et expropriation d'urgence

Les immeubles présentant un danger pour la sécurité publique peuvent être expropriés plus rapidement. L’indemnité doit couvrir la valeur du bien mais aussi les coûts liés à la mise en sécurité ou à la reconstruction. Les propriétaires doivent être indemnisés pour la totalité de leur préjudice, y compris les frais de relogement temporaire.

Indemnisation des locataires et autres titulaires de droits

L’indemnisation concerne aussi les locataires et autres titulaires de droits réels (usufruitiers, emphytéotes).

L'article L. 322-12 du Code de l'expropriation dispose que les locataires doivent recevoir un dédommagement compensant la perte de leur droit de jouissance et les frais de déménagement et lui proposer une solution de relogement, au moins 6 mois avant son départ. De plus, les locataires commerciaux peuvent demander le paiement d’une indemnité pour perte de fonds de commerce.

Droits et recours des expropriés

Dans cette ultime partie, nous étudierons les droits et recours des expropriés.

Les droits et recours des expropriés lors d'une expropriation pour cause d'utilité publique.

Droits des expropriés pendant la procédure

Les propriétaires faisant l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique bénéficient d’un droit à l’information et à la participation à l’enquête publique mais également un droit de contestation.

Consultation du dossier et participation à l'enquête publique

Selon l'article L.123-1 du Code de l'environnement, le dossier d'enquête publique doit être mis à disposition du public dans les mairies concernées et sur le site internet des préfectures.

Les propriétaires peuvent y formuler des observations et des objections, qui seront prises en compte par le commissaire enquêteur dans son rapport. La participation active à cette enquête permet aux propriétaires de mieux comprendre les raisons de l’expropriation.

Droit de contestation de la DUP devant le tribunal administratif

Les expropriés peuvent contester la déclaration d’utilité publique (DUP) si elle leur semble injustifiée ou si des irrégularités ont été commises. Le recours pour excès de pouvoir peut être déposé devant le tribunal administratif. 

Conformément à l'article R. 421-1 du Code de justice administrative, ce recours doit être introduit dans les deux mois suivant la publication de la DUP. Les motifs de contestation peuvent inclure l'absence d'utilité publique réelle, des vices de procédure ou des erreurs manifestes dans l'évaluation des impacts du projet.

Recours administratifs et judiciaires

En cas de contestation, les expropriés peuvent former un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir la nullité de la déclaration d’utilité publique, former appel ou en dernier recours saisir le Conseil d’Etat.

Recours pour excès de pouvoir et annulation de la DUP

Le recours pour excès de pouvoir vise à obtenir l’annulation de la DUP en cas de dépassement des compétences de l’autorité administrative ou de violation de la loi. Les propriétaires doivent prouver que la DUP est entachée de vices substantiels, tels que l’absence d’utilité publique ou des erreurs manifestes dans la procédure.

L’article R. 421-1 du Code de justice administrative précise que le recours pour excès de pouvoir doit être déposé dans les deux mois suivant la publication de la DUP ou de l’arrêté de cessibilité. 

À noter

Pour la déclaration d’utilité publique, le délai de recours commence à compter de sa publication tant que pour l’arrêté de cessibilité il commence à compter de la notification individuelle faites aux intéressés.

Les requérants qui n’ont pas poursuivi dans le délai de recours pour excès de pouvoir l’annulation de l’acte de la DUP sont encore recevables à contester la légalité de cet acte à l’appui de la conclusion contre l’arrêté de cessibilité.

Selon l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, le tribunal administratif peut prononcer l’annulation totale ou partielle de la DUP, entraînant la suspension de la procédure d’expropriation.

Procédures d'appel et saisie du Conseil d'État

En cas de décision défavorable du tribunal administratif, les propriétaires peuvent interjeter appel devant la cour administrative d’appel, ce qui permet de réexaminer le dossier et les arguments des parties. Selon l’article R. 311-24 du Code de l’expropriation, le recours doit être déposé dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement. La cour d’appel peut alors confirmer, modifier ou annuler l’ordonnance d’expropriation. En cas de désaccord persistant, un pourvoi en cassation peut être formé devant le Conseil d’Etat pour examiner la légalité des décisions rendues en dernier ressort et peut annuler celles qui méconnaissent les règles de droit ainsi qu’en dispose les dispositions de l’article L. 821-1 du Code de justice administrative.

Que retenir sur l'expropriation pour cause d'utilité publique ?

  • Comprendre  la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, depuis la déclaration d’utilité publique (DUP) jusqu’à l’indemnisation des propriétaires expropriés.
  • Examiner les étapes administratives et judiciaires, les droits des expropriés, et les recours disponibles.
  • La DUP, régie par l’article L. 511-1 du Code de l’expropriation, justifie l’expropriation en confirmant son utilité publique. L’enquête publique, conforme à l’article L. 123-1 du Code de l’environnement, garantit la transparence du processus. L’article L. 321-1 du Code de l’expropriation dispose que cette indemnité doit être juste et préalable, couvrant intégralement le préjudice subi par les propriétaires. Les recours judiciaires et administratifs permettent de contester la DUP et de négocier des indemnités équitables. Un notaire  est indispensable pour vous éclairer davantage sur les subtilités de cette procédure.

Vos questions et nos réponses sur l'expropriation pour cause d'utilité publique

La DUP est un acte administratif qui justifie l’expropriation en confirmant l’utilité publique du projet. Elle est prononcée par arrêté préfectoral ou décret. La DUP est essentielle car elle constitue la base légale de l’expropriation. Elle doit être publiée et affichée pour informer les propriétaires et le public.

La procédure d’expropriation se déroule en plusieurs phases :

  1. La déclaration d’utilité publique (DUP).
  2. La phase administrative, incluant l’enquête publique et l’arrêté de cessibilité.
  3. La phase judiciaire, où le juge de l’expropriation prononce l’ordonnance d’expropriation et fixe l’indemnité.

Les propriétaires ont plusieurs droits, notamment :

  • Consulter le dossier d’expropriation.
  • Participer à l’enquête publique.
  • Contester la DUP devant le tribunal administratif. Ils peuvent également bénéficier de l’assistance juridique d’un notaire et du soutien d’associations de défense des propriétaires expropriés.

Les propriétaires peuvent :

  • Contester la DUP devant le tribunal administratif.
  • Engager un recours pour excès de pouvoir pour annuler la DUP.
  • Faire appel des décisions du tribunal administratif et, en dernier recours, saisir le Conseil d’État. Ces recours permettent de vérifier la légalité de la procédure et de défendre les droits des propriétaires.
Titulaire d’une Licence Droit privé général, puis d’un Master I Droit de l’Entreprise et d’un Master II Droit et Fiscalité du Patrimoine de l’Université de Droit et Sciences-Politiques de MONTPELLIER, je me suis orientée par la suite vers la profession de notaire. Actuellement à mi-parcours du cursus, je m’aperçois que la compréhension du vocabulaire juridique n’est pas accessible à tous. Rédiger des articles juridiques ciblés, simples et clairs permettra au plus grand nombre de comprendre les bases de nombreux sujets auxquels ils peuvent être confrontés dans la vie de tous les jours.

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