L’héritage pose de nombreux conflits familiaux. Dans le cadre de la succession, les héritiers se demandent souvent s’ils peuvent vider un compte bancaire avant décès. Toutefois, ces-derniers doivent se conformer aux dispositions françaises d’ordre public, et notamment celles prévues au sein du Code civil. Cet article défini les notions d’actif successoral, de réserve héréditaire, de quotité disponible, les droits des héritiers réservataires sur l’actif et alerte sur le recel successoral.
Le compte bancaire intègre l'actif successoral
L’argent placé sur des comptes bancaires intègre l’actif successoral, il n’est donc pas à la libre disposition des héritiers. En effet, ces-derniers sont soumis aux règles d’ordre public relatives à la réserve héréditaire.
En ce sens, l'article 912 du Code civil établit un principe : "La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités."
Il y a deux notions importantes à retenir :
- D’une part, les héritiers réservataires bénéficient d’une réserve héréditaire,
- D’autre part, une fois la réserve héréditaire établie, le reste appelé « quotité disponible » peut être distribué librement par le défunt.
Afin de savoir qui sont les réservataires (enfants, conjoint survivant…) et quelle part du patrimoine leur est réservée en vertu du droit français, rendez-vous sur notre article intitulé« Peut-on déshériter par testament? ».
Vider un compte bancaire avant décès : le recel successoral
Il est interdit de vider un compte en banque avant ou après le décès dès lors que le Code civil français réserve à certains héritiers une part minimale de l'héritage. Mais, quels sont les risques encourus ?
Le recel successoral
Vous pourriez être accusé de recel successoral. Il est prévu par le premier alinéa de l' article 778 du Code civil, aux termes duquel : "Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier."
Plus simplement, qu’est-ce que cela signifie ? L’auteur d’un recel successoral est celui qui a détourné de manière volontaire et frauduleuse des biens d’une succession dans son intérêt personnel.
Les éléments constitutifs du recel successoral
Deux conditions sont nécessaires à la reconnaissance d’un recel successoral :
- Un élément matériel : le comportement fautif de vider un compte bancaire avant décès, privant les autres héritiers de leur part légitime.
- Un élément moral : l’intention coupable de l’auteur qui aura eu la volonté de rompre le partage successoral en nuisant aux autres héritiers.
Les sanctions du recel successoral
L'article 778 du Code civil précise que : "Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession."
Ainsi :
- si le recel portait par exemple sur de l’argent, le receleur doit rapporter la somme recelée à l’actif successoral,
- si le recel portait par exemple sur un bien qui a été utilisé ou vendu, le receleur doit en rendre tous les fruits et revenus produits à l’actif successoral.
Au surplus, l’auteur d’un recel successoral ne bénéficiera plus de l’option d’accepter ou de refuser la succession, il sera obligé de l’accepter. Ainsi, même si la succession est déficitaire, l’héritier fautif sera contraint de régler les dettes du défunt.
Vider un compte bancaire avant décès : le recel successoral
Le recel successoral n’est pas prévu par le Code pénal mais par le Code civil. Les héritiers lésés doivent donc agir devant les instances civiles. Pour ce faire, il convient de se faire accompagner d’un avocat spécialisé en droit de la famille ou des successions plus spécifiquement.
Vous pouvez également prendre conseil auprès d’un notaire si vous estimez qu’une part de l’actif vous revenait mais que vous n’en avez pas la certitude.
Qu'en est-il si le défunt à vidé son compte bancaire volontairement avant son décès ?
Le défunt lui-même ne peut pas aller à l'encontre des règles d'ordre public (impératives et non dérogeables) et notamment l'article 912 du Code civil. À ce titre, si le défunt a réalisé des virements bancaires ou donations avant son décès et que ces-derniers privent les héritiers de la réserve héréditaire qui leur revient, les bénéficiaires seront contraints de rapporter les sommes données à l'actif successoral.
En revanche, si avant son décès, le défunt avait réalisé des donations pour un montant inférieur à celui de la quotité disponible, les bénéficiaires pourront tout à fait conserver les sommes données.
Qu'en est-il de l'enfant qui bénéficie d'une procuration bancaire sur les comptes du défunt ?
Les enfants qui disposent d’une procuration bancaire pensent généralement qu’ils bénéficient de tous les droits sur les comptes en banque avant et après le décès. Pourtant, la procuration bancaire prend fin au moment du décès.
Ainsi, les sommes présentes sur les comptes sont encadrées par le droit français et intègrent l’actif successoral. Les autres bénéficiaires de l’héritage pourront donc se retourner contre celui qui aurait vidé ou utilisé des sommes afin qu’elles soient rapportées à la succession.
Qui doit payer les frais d'obsèques ?
Il incombe aux héritiers de prendre en charge les frais d'obsèques si le de cujus n'avait pas souscrit de contrat de prise en charge à ce sujet. Toutefois, aux termes de l' article L.312-1-4 du Code monétaire et financier , sur présentation de justificatifs, les successibles en ligne directe peuvent obtenir débit sur les comptes de paiement du défunt tout ou partie des frais funéraires.
À ce titre, le prélèvement pourra porter sur une somme allant jusqu’à 5 000 euros, dans la limite du montant disponible sur les comptes de paiement.