Régime matrimonial : rempart de la désunion

Une union qui perdure c’est encore une désunion qui aura été anticipée. Comment un simple rendez-vous chez le notaire peut radicalement changer la fin de votre mariage ?

Exceptionnellement j’aimerai écrire cet article à la première personne, car exerçant en droit des successions depuis quelque temps, j’ai eu l’occasion de voir les limites du régime légal. J’espère que cet article finira de vous convaincre de prendre un rendez-vous chez le notaire avant de vous marier, pour, à défaut de contracter, au moins vous informer des possibilités qui vous sont offertes. J’ai observé au cours de ma courte carrière déjà trop de fléaux causés par de la désinformation.

Sommaire

Après avoir lu cet article, vous saurez : 

  • Comment les différents régimes matrimoniaux structurent la vie conjugale et impactent la gestion de votre patrimoine.
  • Les avantages et implications de la communauté réduite aux acquêts, de la séparation de biens, et de la communauté universelle.
  • L’importance du contrat de mariage dans la protection de vos intérêts personnels et ceux de votre famille.

Introduction au régime matrimonial : comprendre les enjeux

Qu’est ce qu’un régime matrimonial ? C’est ce qu’explore cette section, qui devrait, sans prétention, vous permettre de comprendre les enjeux de ce choix.

Le divorce

Définition et importance du choix du régime matrimonial

Votre régime matrimonial organise la totalité de votre patrimoine : mais encore faut-il en avoir conscience. Les régimes communautaires créent un patrimoine partagé par les époux à hauteur de 50/50 de tout ce qui sera acquis pendant le mariage, tandis que les régimes séparatistes sont la personnification du “chacun pour soi et dieu pour tous”. Il faut maintenant en comprendre les implications.

Votre régime matrimonial n’influe pas beaucoup votre vie pendant sa durée. En revanche, vous en ressentirez les effets dès sa dissolution. La dissolution d’un régime matrimonial intervient soit par la mort de l’un des époux, soit par le divorce.

Le régime matrimonial est soit par défaut, légal, c’est à dire la communauté réduite aux acquêts, soit contractuel, comme la séparation de bien (avec ou sans société d’acquêt), la participation aux acquêts, la communauté universelle etc… Il existe des régimes principaux comme ceux précités, mais au sein de ces mêmes régimes une multitude de clauses permettant à la fois les avantages matrimoniaux, et l’organisation du patrimoine des époux.

Exemple concret de l’importance du régime

Afin de vous donner l’envie de lire la suite de cet article, je vais vous raconter une courte histoire (vraie ou pas, c’est à vous d’en juger) :

L'histoire d'Annie et Bob sous le régime légal

Annie et Bob étaient mariés depuis plus de 40 ans sous le régime légal et n’avaient eu aucun enfant. Les dix premières années de leur vie commune ont été idylliques, mais les trente suivantes se sont passées chacun chez soi puisque l’amour s’était envolé, mais aucun divorce n’avait été prononcé. Ils se parlaient une fois par an et cela convenait bien à tout le monde.

Pendant trente ans, Annie a travaillé dur pour se constituer une jolie épargne, et acheter plusieurs maisons de vacances. Bob lui, était plus cigale que fourmie. Il ne travaillait que lorsque ses droits au chômage étaient épuisés, et n’avait, à la fin de sa vie, rien sinon une voiture qui aurait pu être en vogue dans les années 90. Annie vivait dans les beaux quartiers Aixois, tandis que Bob s’était rapproché de sa famille dans le nord de la France. Bob vieillissait, et n’était pas le couteau le plus aiguisé du tiroir, ce qui n’échappait pas à ses neveux. Sans attendre, ses deux neveux l’ont amené chez le notaire pour lui faire établir un testament authentique. Le testament disposait que Bob privait Annie de tous ses droits à la succession et qu’il instituait pour légataire ses deux neveux.

Qu’importe me direz vous, Bob n’avait rien ?

La succession

Et bien non car la communauté est composée de tout ce qui a été acquis par les époux pendant la durée du mariage. Annie restait héritière réservataire d’un quart de la succession, tandis que les neveux se partageraient les trois quart restants. Admettons que le patrimoine qu’à réussis à composer Annie soit de 1.000.000 d’euros : 500.000 euros de ce patrimoine revient à la succession (la moitié donc) et sera dispatché comme il suit : 125 000 euros pour Annie (encore heureux me direz vous, c’est elle qui l’a constitué), et 375.000 euros pour les neveux ! Annie a donc dû vendre sa maison de vacances dans le Var pour pouvoir donner leur part aux neveux qu’elle exècre. Je vous laisse imaginer la tête qu’à fait Annie quand je lui ai appris la nouvelle !

Si Annie s’était mariée sous la séparation, elle aurait eu droit à un quart de la voiture, et les neveux… aux trois quart de cette même voiture ! Elle aurait conservé sa maison de vacances dans le Var, et n’aurait eu besoin d’un notaire que pour l’acte de notoriété. Un contrat de mariage coûte rarement plus de 300 euros… Je vous laisse faire le calcul.

Exploration des différents régimes matrimoniaux

Pour les régimes communautaires et le régime légal il existe trois patrimoines : celui du conjoint n°1, celui du conjoint n°2, et celui de la communauté qui appartient indivisément à concurrence de la moitié aux deux époux. Les régimes séparatistes prônent l’indépendance de chacun : il n’y a, comme avant le mariage, que les biens que chacun acquiert lui-même, pour lui-même.

Le décès d'un des conjoint lors de l'union matrimoniale

La communauté réduite aux acquêts : le régime légal par défaut

Le régime de la communauté réduite aux acquêts est le régime par défaut en France pour les couples qui ne font pas le choix d’un régime matrimonial spécifique avant leur mariage.

De façon très schématique, les biens acquis par les époux avant leur mariage, ou reçus à titre gratuit pendant celui-ci leur restent propres, tandis que tout ce qui a été acquis pendant le mariage, revenus du travail inclus, sont communs.

Pour reprendre notre histoire, imaginons que Annie crée une entreprise florissante pendant son mariage, et bien cette entreprise appartiendra en totalité à la communauté, et ses salaires de dirigeante également. Il en va de même pour les dettes, si Bob lui avait emprunté 3.000 euros pour jouer au PMU et s’acheter des bières, et bien cette dette pourrait être qualifiée de commune, et Annie pourrait en être redevable au titre des biens communs.

Les régimes séparatistes : aude à l’indépendance

La séparation de biens offre une alternative inespérée pour les couples cherchant à maintenir une indépendance financière et patrimoniale totale au sein du mariage. Ce régime prévoit que chaque époux reste seul propriétaire et responsable des biens qu’il acquiert, ainsi que des dettes qu’il contracte, à l’exception de celles engagées pour les besoins du foyer ou l’éducation des enfants.

Ce régime est particulièrement adapté aux entrepreneurs, aux professions libérales ou à toute personne souhaitant protéger son patrimoine personnel des risques professionnels ou financiers de son conjoint.

La séparation de biens assure une clarté et une sécurité juridique, évitant les complications en cas de séparation ou de gestion d’activités professionnelles indépendantes, mais demande une attention particulière à la contribution de chaque conjoint aux charges du mariage.

Bien qu’étant le plus connu il ne s’agit pas du seul régime séparatiste :

  • la participation aux acquêts : c’est un régime où les époux se comportent comme en séparation de bien pendant la durée du mariage, et qui se liquide d’une façon très particulière – on calcul quel a été la contribution de chacun pendant la durée du mariage, et une indemnité est attribuée s’il y a un déséquilibre.
  • la société d’acquêt : il s’agit d’un patrimoine d’affectation qui fonctionne comme une communauté mais sein duquel les époux ne mettent que les biens qu’ils souhaitent rendre commun. Tout le reste est propre à chaque époux.

Régimes communautaires : une solution intéressante en fin de vie

Les régimes communautaires comprennent notamment le régime légal de la communauté réduite aux acquêts. L’archétype et la forme la plus évoluée de la communauté est la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale. Le régime de la communauté universelle représente le niveau d’intégration patrimoniale le plus élevé entre les époux, avec une fusion complète de leurs patrimoines antérieurs et futurs. 

Ce régime implique que tous les biens, qu’ils soient acquis avant ou pendant le mariage, deviennent la propriété commune des époux, quelle que soit leur modalités d’acquisition. Cette option peut être séduisante pour les couples souhaitant une solidarité maximale ou simplifier la gestion de leur patrimoine.

Toutefois, elle requiert une grande confiance mutuelle, car elle englobe également les dettes contractées individuellement par les époux avant ou durant le mariage. La communauté universelle peut comporter une clause d’attribution intégrale au survivant, offrant une protection supplémentaire en cas de décès de l’un des conjoints, mais ses implications, notamment en termes de succession et de responsabilité face aux dettes, doivent être mûrement réfléchies.

La procédure de choix et d'application d'un régime matrimonial

Le choix du régime matrimonial est essentiel, impactant la vie conjugale, la gestion des biens, et la succession. Ce choix, souvent complexe, nécessite une compréhension claire des options disponibles, de leurs implications.

Patrimoine

La rédaction du contrat de mariage : conseils et démarches auprès d'un notaire

La rédaction d’un contrat de mariage est une étape primordiale pour les couples souhaitant établir un régime matrimonial autre que celui de la communauté réduite aux acquêts, qui est appliqué par défaut en l’absence de contrat. Cet acte élaboré avec l’aide d’un notaire, détaille la répartition des biens et les règles régissant la relation financière des époux. L’intervention d’un notaire garantit la conformité du contrat aux dispositions légales, et assure une protection juridique adaptée aux besoins spécifiques de chaque couple.

Le processus inclut une consultation pour comprendre les attentes des époux, la rédaction du contrat reflétant ces attentes tout en respectant la loi, et la signature officielle de l’acte avant le mariage. Ce contrat peut toujours être modifié après le mariage, mais cela requiert également l’intervention d’un notaire et, dans certains cas, l’approbation des enfants, ou du juge. De plus, une modification postérieure coûte souvent quelques milliers d’euros puisqu’il faut liquider le régime initial et partager ce patrimoine pré-constitué.

Facteurs à considérer dans le choix d'un régime matrimonial

Le choix de votre régime matrimonial doit résulter de votre situation actuelle :

  • Que faites-vous dans la vie ? Y a t il une disparité importante entre vos revenus ? Avez vous une entreprise ou une société ?
  • De quoi est composé votre patrimoine ?
  • Avez vous des enfants en commun, ou des enfants d’une union précédente ?
  • Quelle est votre vision du couple ?

Le régime légal avait été pensé pour un couple type des années 60 : Madame restait à la maison et s’occupait des enfants tandis que Monsieur rapportait la pitance familiale. Nous sommes bien loin de ce schéma. De nos jours la plupart des couples sont actifs, et ce régime qui garantissait un patrimoine à Madame au décès de Monsieur est prescrit. Toujours en vigueur malgré une évolution des mœurs phénoménale, les contrats de mariage permettent de réguler un déséquilibre écrasant.

Le modèle familial classique se raréfie, l’abondance des familles recomposées se densifie, et le régime légal devient de plus en plus obsolète au fil des années.

Conseil

À mon sens, le régime le plus “plébiscitable” aujourd’hui devrait être la séparation de bien avec société d’acquêt.

Je m’explique : ce régime permet d’adjoindre une sorte de “mini-communauté” qui comprend uniquement les biens que les époux auront bien voulu mettre en commun, comme la résidence principale, ou une entreprise créée ensemble par exemple. Pour tout le reste, chacun reste maître de ses acquêts.

Que retenir de cet article ?

Cet article a exploré les fondements et les nuances des régimes matrimoniaux en France, mettant en lumière leur importance cruciale dans la gestion du patrimoine et la protection des intérêts familiaux. À travers l’analyse des trois principaux régimes – la communauté réduite aux acquêts, la séparation de biens, et la communauté universelle – nous avons vu comment chaque choix influence la répartition des biens et la responsabilité des dettes dans le mariage. La rédaction et la modification d’un contrat de mariage impliquent des démarches précises et la consultation d’un notaire.

Un notaire sera indispensable dans le choix du régime matrimonial, assurant que les décisions prises sont en parfaite adéquation avec les objectifs et les besoins du couple.

Au-delà des aspects juridiques et financiers, choisir un régime matrimonial est aussi un acte d’engagement et de prévoyance, reflétant les ambitions des futurs mariés.

Vos questions et nos réponses

Ce guide de FAQ vise à répondre aux interrogations les plus courantes concernant les régimes matrimoniaux en France, vous aidant à naviguer dans les choix importants pour votre mariage.

Un régime matrimonial définit les règles concernant la gestion et la propriété des biens entre époux pendant le mariage et en cas de dissolution. Il détermine la répartition des biens et des dettes, influençant ainsi la sécurité financière et patrimoniale du couple.

Le choix du régime matrimonial est crucial car il influence la gestion des biens et des dettes, la protection contre les risques professionnels, et la transmission du patrimoine en cas de décès ou de divorce. C’est une décision qui impacte la vie conjugale et financière du couple.

En l’absence de choix spécifique avant le mariage, le régime de la communauté réduite aux acquêts s’applique automatiquement.

Modifier son régime matrimonial est possible via un acte notarié et, dans certains cas, l’homologation par un juge, notamment pour protéger les intérêts des enfants et des créanciers.

Originaire d’Aix/Marseille, ma passion pour le droit m’a guidée à travers un parcours académique enrichissant en Occitanie. Titulaire d’un Master II en Droit Privé Fondamental de l’Université de Montpellier, master orienté en recherche, j’ai développé une appétence pour la communication juridique. À l’aube de ma dernière année en tant qu’étudiante notaire, je m’efforce de créer du contenu transcendent les barrières du jargon légal, offrant ainsi une perspective accessible et lisible à mes lecteurs.

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