Servitudes : mode d’emploi

Les servitudes : simple formalité ou enjeu crucial pour les propriétaires ?

Cet article détaille les principes généraux et les sources des servitudes. Il met en lumière notamment les servitudes les plus répandues comme les servitudes de passage, de tour d’échelle, ou encore de surplomb. Il examine également le rôle de l’acte authentique, et comment ces mêmes servitudes s’éteignent.

Sommaire

Après avoir lu cet article, vous saurez : 

  • Comprendre la définition juridique d’une servitude et comment elle s’applique à votre propriété.
  • Identifier les différents types de servitudes (naturelles, légales, et conventionnelles) et leurs implications pour les propriétaires.
  • Apprécier le rôle de l’acte notarié dans la formalisation et la sécurisation des droits des servitudes.

Principes généraux et sources des servitudes

Les servitudes constituent un pan essentiel du droit immobilier français, régies notamment par le Code Civil. Elles représentent des droits réels qui permettent à un propriétaire (le fonds dominant) d'utiliser le terrain d'un autre (le fonds servant) d'une manière spécifique. Cette section explore le cadre juridique des servitudes ainsi que les modalités de leur établissement.

L'acte de servitude chez un notaire

Cadre juridique des servitudes

Dans le cadre du droit des biens, la notion de servitude joue un rôle crucial dans la relation entre propriétés souvent adjacentes.

Afin d’établir une servitude, il convient que soit réunis les critères suivants :

  • Pluralités de fonds : La servitude met en relation deux fonds distincts, le « fonds dominant » qui bénéficie de la servitude et le « fonds servant » sur lequel la servitude s’exerce. Cette relation implique une interaction directe entre deux parcelles cadastrales.
  • Des propriétaires distincts : Pour qu’une servitude puisse exister, il est impératif que chaque fonds appartienne à des propriétaires différents. Cela exclut les situations d’indivision où plusieurs personnes détiennent des droits sur un même bien en commun.
  • La servitude doit comprendre une charge imposée : Conformément à l’article 637 du Code Civil, la servitude est une charge imposée sur un fonds (le fonds servant) au bénéfice d’un autre fonds (le fonds dominant). Cela signifie que le fonds servant supporte une contrainte qui bénéficie directement au fonds dominant, par exemple, un droit de passage ou l’écoulement des eaux.

La servitude étant une charge réelle, et non personnelle, elle s’attache aux fonds eux-mêmes et non aux propriétaires. Cela signifie que les obligations et les bénéfices liés à une servitude subsistent malgré le changement de propriétaires. Le caractère réel de la servitude assure la continuité des droits et des obligations liés à la propriété, indépendamment des transactions immobilières pouvant survenir.

Établissement des servitudes : acte authentique et prescription acquisitive

Les servitudes peuvent être établies de deux façons principales : soit de façon conventionnelle, soit par le biais de l’usucapion.

Les servitudes conventionnelles

Les servitudes peuvent être constituées par acte authentique. Ce processus est formalisé soit par acte autonome, soit au sein d’un acte de vente désigné comme le titre, qui établit précisément l’étendue et les conditions d’exercice de la servitude. Il est impératif que les conditions stipulées dans ce titre soient convenues mutuellement par les propriétaires des fonds dominant et servant. Cette servitude sera alors publiée au service de publicité foncière, rendant opposable aux tiers la servitude déjà opposable entre les parties lors de la signature.

Dans les cas où un consensus absolu entre toutes les parties n'est pas atteignable, il est possible que le consentement du propriétaire du fonds servant suffise pour reconnaître l'existence de la servitude, même en l'absence d'un titre formel, comme en dispose l'article 695 du Code Civil.

À noter

Une convention réalisée sous seing privé (SSP) sans publication officielle ne sera pas opposable aux tiers et, par conséquent, ne suivra pas l’immeuble dans le cadre des transactions futures. La publication de l’acte est donc essentielle pour assurer la pérennité de la servitude et sa reconnaissance par les propriétaires successifs.

La création d’une servitude par acte sous seing privé présente un risque significatif : l’absence de garantie sur sa connaissance par les propriétaires successifs. Pour cette raison, il est vivement conseillé de privilégier la rédaction d’une servitude par acte authentique notarié. Cela assure une transmission efficace lors de toutes mutations immobilières grâce à son inscription au Service de la Publicité Foncière (SPF). Cette formalité permet à tout notaire, lors d’une vente, de vérifier facilement l’existence de servitudes conventionnelles inscrites, sécurisant ainsi la transaction pour toutes les parties impliquées.

Prescription acquisitive

L’établissement d’une servitude par la prescription trentenaire est un mécanisme légal spécifiquement applicable aux servitudes continues et apparentes.

Ce processus permet d’acquérir une servitude à travers une utilisation non contestée, ouverte et continue sur une période de 30 ans. Par exemple, une servitude de vue.

Seules les servitudes continues et apparentes peuvent être acquises par prescription.. Pour qu’une servitude puisse être prescrite, il est nécessaire que la possession soit continue, ininterrompue, paisible, publique, non équivoque, et exercée à titre de propriétaire.

La durée requise pour cette possession est de 30 ans, débutant à partir du moment où la servitude est devenue apparente. Cette disposition assure que les droits liés à la servitude sont établis de manière juste et équitable, reflétant l’usage réel et incontesté du terrain concerné sur une période significative.

Les différents types de servitudes et leur application

Le Code civil reconnaît divers types de servitudes, classées en servitudes naturelles, légales, et conventionnelles. Les servitudes naturelles découlent de la situation naturelle des terrains, comme l’écoulement naturel des eaux.

Les servitudes légales sont imposées par la loi pour l’utilité publique ou privée, comme c’est le cas du droit de passage pour les fonds enclavés.

Enfin, les servitudes conventionnelles sont établies par accord entre les propriétaires des fonds dominants et servant. Chacun de ces types a ses spécificités d’application, impactant de manière significative l’usage des terrains et la relation entre propriétaires. La diversité des servitudes souligne leur rôle adaptable dans la résolution des problématiques d’accès, d’usage et de gestion des ressources naturelles entre propriétés.

Servitudes courantes et application pratique

Les servitudes établissent un cadre juridique complexe qui définit les droits et les obligations des propriétaires des fonds dominants et servant. Cette section se penche sur les prérogatives spécifiques accordées par le Code civil aux propriétaires impactés en fonction de la nature des servitudes.

La servitude naturelle

Servitude de droit de passage

La servitude conventionnelle de passage est un droit octroyé par un propriétaire pour permettre l’utilisation de sa propriété à des fins de passage au profit d’un bien voisin. Ce droit peut être accordé de façon temporaire ou permanente, en fonction des besoins et des accords entre les parties. La servitude permanente constitue une charge sur le terrain, modifiant ainsi l’usage du bien foncier du propriétaire qui l’accorde.

Ce droit de passage peut être étendu à divers modes de transit, tels que le passage à pied ou en véhicule, ou peut être spécifiquement limité à un type de passage déterminé par les parties. 

À noter

le terrain bénéficiaire n’est pas enclavé mais simplement difficile d’accès, l’obtention d’une telle servitude nécessite l’accord explicite du propriétaire du fonds servant, soulignant ainsi le caractère consensuel de la servitude conventionnelle de passage.

Cette disposition permet de réguler les relations entre propriétaires voisins en garantissant un accès adéquat à toutes les propriétés, tout en respectant les droits et obligations réciproques établis par la convention.

C’est le cas également de l’enclavement d’un terrain, caractérisé par l’absence d’accès direct à la voie publique, qui ouvre le droit à une servitude de passage au profit du propriétaire du terrain enclavé. Cette situation impose au propriétaire du fonds servant d’accepter le passage sur son terrain, une obligation qui peut entraîner une indemnisation pour le préjudice subi.

Servitude de tour d’échelle

La servitude de tour d’échelle est un droit temporaire accordé pour accéder à la propriété voisine afin d’y effectuer des travaux sur sa propre maison ou immeuble, particulièrement lorsque ces constructions sont proches de la limite séparative et que les travaux ne peuvent pas être réalisés depuis son propre terrain. Cette servitude permet spécifiquement de placer une échelle ou des échafaudages chez le voisin pour atteindre un mur adjacent.

Comment est établie la servitude de tour d’échelle ?

  • De façon conventionnelle : La servitude peut être mise en place de manière amiable entre les propriétaires des terrains concernés.
  • Sous autorisation judiciaire : En cas de désaccord, il est possible de solliciter une autorisation judiciaire, justifiée par la nécessité impérieuse d’accéder au terrain voisin pour des travaux essentiels à la conservation de sa propriété.

Sous quelles conditions est-elle applicable?

  • Les travaux doivent être d’une importance significative.
  • Il doit être techniquement impossible de réaliser les travaux depuis son propre terrain.
  • L’autorisation est accordée pour une durée et une étendue limitées.
  • Une indemnisation du propriétaire du fonds servant est possible pour compenser les désagréments ou les dommages éventuels.

Le cas particulier de la servitude de surplomb

Le surplomb, notamment l'extension de chenaux ou de gouttières au-dessus du terrain du voisin, est soumis à des règles strictes. La Cour de Cassation affirme l'interdiction des servitudes de surplomb, soulignant qu'aucune atteinte, même minime, ne peut être tolérée au droit de propriété. Conformément à l'article 681 du Code Civil, l'évacuation des eaux pluviales sur le terrain d'autrui est prohibée, tout comme la position des gouttières au-dessus du terrain voisin.

Malgré ce principe strict, des exceptions existent, permettant d'établir une servitude de surplomb soit par prescription, après une période de trente ans de possession sans contestation, soit par accord mutuel entre les parties. Cette flexibilité est confirmée par l'article 690 du Code Civil, qui dispose que les servitudes continues et apparentes peuvent être acquises par titre ou par possession de trente ans.

Pour prévenir les litiges, il est judicieux de formaliser une servitude de surplomb via un accord entre voisins. Cela clarifie les droits et devoirs de chacun, autorisant par exemple le surplomb d’une gouttière sur le terrain du voisin.

Extinction et enjeux urbanistiques des servitudes

Cette section identifie les modes d’extinction des servitudes ainsi que les enjeux urbanistiques que celles- ci mettent en lumière.

Extinction des servitudes

Les servitudes peuvent s'éteindre de plusieurs manières, conformément aux dispositions des articles 703 à 710 du Code Civil. Une servitude peut prendre fin automatiquement à l'expiration d'une période convenue entre les propriétaires ou si le propriétaire du fonds dominant décide de renoncer à ses droits.

De même, l’extinction peut survenir en cas de confusion des fonds, c’est-à-dire lorsque le fonds dominant et le fonds servant appartiennent désormais à un seul propriétaire.

Une résiliation amiable du contrat qui a créé la servitude est également possible, et cette résolution peut se faire de manière gratuite ou onéreuse.

Par ailleurs, une servitude cesse d’exister si elle n’a pas été utilisée pendant une période de 30 ans, ce qui s’applique à toutes les servitudes, qu’elles soient continues, discontinues, apparentes ou non. Le début de cette période de non-utilisation varie : pour les servitudes continues, elle démarre dès l’achèvement de la construction facilitant la servitude ; pour les discontinues, à partir du moment où l’usage de la servitude a cessé.

Enfin, si l’utilisation de la servitude devient impossible à cause d’un changement dans l’état des choses, comme la disparition d’un puits dans le cas d’une servitude de puisage, la servitude est considérée comme n’ayant plus lieu d’être.

Enjeux urbanistiques des servitudes

Les servitudes jouent un rôle significatif dans le domaine de l’urbanisme, agissant comme des éléments essentiels qui influencent la planification et le développement des zones urbaines et rurales. Les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) sont des instruments clés qui déterminent l’utilisation des sols et, par extension, affectent la création, la modification, ou la suppression des servitudes. Ces plans sont conçus pour répondre aux besoins de développement tout en respectant les droits existants, y compris les servitudes pour passage, vue, ou encore écoulement des eaux. Leur mise en œuvre nécessite une coordination méticuleuse pour assurer que les servitudes existantes soient prises en compte, garantissant ainsi un équilibre entre le développement urbain et les droits des propriétaires.

Que retenir de cet article ?

Cet article a abordé les nuances des servitudes dans le contexte juridique français, mettant en lumière leurs implications pour les propriétaires de terrains. Nous avons exploré le cadre juridique qui définit les servitudes, leurs types les plus répandus, et comment elles s’entrelacent avec le droit de l’urbanisme.

Un notaire sera le mieux placé pour naviguer dans les complexités des servitudes et offrir des conseils avisés.

Vos questions et nos réponses sur les servitudes

Ce guide FAQ vise à éclaircir les aspects les plus importants des servitudes traités dans notre article, fournissant des réponses aux questions fréquemment posées. De la définition aux implications pratiques, nous abordons vos préoccupations.

Une servitude est un droit immobilier qui permet à un propriétaire (fonds dominant) d’utiliser le terrain d’un autre (fonds servant) d’une manière spécifique.

Il existe principalement trois types de servitudes : naturelles, résultant de la configuration naturelle des terrains ; légales, imposées par la loi pour l’utilité publique ou privée ; et conventionnelles, établies par accord entre les propriétaires.

Le propriétaire du fonds servant doit permettre l’usage spécifié par la servitude sans entrave et maintenir son terrain de manière à ne pas nuire à cet usage. Il est tenu de respecter les conditions établies dans l’acte de servitude ou, à défaut, celles prévues par la loi.

L’acte notarié est crucial pour formaliser les servitudes, acte indiscutable des droits et obligations de chaque partie. Il aide à prévenir les conflits en assurant la clarté et la compréhension mutuelle.

Juriste en droit notarial et droit de la famille.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Partagez l'article :
Choisissez votre professionnel du droit
S'abonnez à la newsletter